C’est une histoire de passion. Celle de Jean-Baptiste Tavernier et de Louis XIV, le Roi Soleil, il y a de cela quelques centaines d’années… Celle de Marie Vallanet-Delhom, présidente de l’École des Arts Joailliers Van Cleef & Arpels, et de François Farges, chercheur au Museum national d’histoire naturelle… Une passion commune pour les diamants de Golconde, « les plus beaux », dont les reproductions, elles-mêmes exceptionnelles, sont à voir au sein de l’École.
L’École des Arts Joailliers a décidé de nous faire tant rêver que voyager en ce début 2018. Depuis le 18 janvier, elle expose la reconstitution de 20 diamants de Golconde exceptionnels, acquis par le roi Louis XIV en son temps ; ceux dont Abraham Bosse, l’un des graveurs français les plus réputés du XVIIème, fit le portrait (une estampe)* et qualifia de : « les plus beaux ». Simple, sans équivoque.
En 1668, le jeune Roi Soleil, fervent amateur d’art (il avait été initié à la beauté des perles par Anne d’Autriche et à celle des
pierres par le cardinal Mazarin), 30 ans, les acheta effectivement à Jean-Baptiste Tavernier (1605-1689), aventurier et négociant voyageur. Tous deux avaient l’œil affûté, ces diamants sont des merveilles et chacun mériterait un roman à lui tout seul.
Les diamants de légende d’un voyageur et « orientaliste » infatigable
Alors quels sont-ils ces diamants légendaires venus des mines de Golconde, à l’époque du Grand Moghol ? Dix-sept diamants taillés et trois diamants bruts ; dix-sept diamants incolores, deux roses et un bleu.
Le plus célèbre d’entre eux, le grand diamant bleu Hope (115 carats, retaillé sous Louis XIV et depuis), est aujourd’hui conservé à la Smithsonian Institution du National Museum of Natural History, à Washington. Tous les autres ont hélas disparu au cours du XIXème siècle (retaillés, perdus, oubliés ou volés ?), ce qui contribue à rendre cette restitution et cette exposition tout aussi exceptionnelles. Tous comptaient au nombre des « plus beaux » parmi les quelque mille diamants achetés par Louis XIV à Jean-Baptiste Tavernier, qui les rapporta de ses six voyages en Orient, entre 1663 et 1668. Il faut savoir que les deux hommes se connaissaient bien, Tavernier ayant par sa famille de graveurs de nombreuses accointances avec Louis XIII, père du roi Louis XIV.
C’est d’ailleurs à Tavernier que l’on doit la genèse de ce projet. Car l’homme est méconnu, alors même que ses témoignages et sa contribution à la compréhension de l’histoire de la joaillerie et des pierres précieuses sont essentiels. L’École des Arts Joailliers possède ainsi dans sa bibliothèque une édition originale de ses récits de voyage, datée de 1713. Marie Vallanet-Delhom, qui en fit l’acquisition, nourrit depuis la création de l’école en 2012 l’espoir de faire connaître Tavernier, dont la lecture l’enchante. Et c’est quelque temps après la rencontre avec François Farges, professeur de minéralogie au Muséum d’histoire naturelle, passionné de bijoux, que l’idée naît petit à petit, de mêler les connaissances et savoir-faire de chacun, tout en mettant à profit les recherches de Cécile Lugand, doctorante qui effectue une thèse, en histoire de l’Art (université de Rennes), sur l’École des Arts Joailliers et Tavernier.
Il faut savoir également qu’en 2008, François Farges et le Muséum avaient d’ores et déjà travaillé sur une reconstitution du Hope, « le grand diamant bleu de Louis XIV ».
Une approche pluridisciplinaire et innovante
La richesse de cette reconstitution des gemmes (en zyrcone cubique pour la majorité et résine époxy pour les 3 diamants naturels) tient aussi à son approche pluridisciplinaire, mêlant les recherches et analyses iconographiques et historiques des sources anciennes, la connaissance de la géologie et de la minéralogie et l’utilisation de procédés techniques modernes. Une approche que défend l’École des Arts Joailliers qui cherche à informer le public sur l’histoire de pierres et de la joaillerie, le passionner, mais avec un contenu exact et une approche de qualité scientifique. Il a ainsi fallu tenter de reproduire les tailles indo-mogholes du XVIIème siècle, éclipsées aujourd’hui, aux facettages spécifiques et à la beauté incontestable. Ce ne fut d’ailleurs pas la moindre des difficultés ! C’est Patrick Dubuc, maître lapidaire québécois émérite, passionné lui-aussi (il est professeur de sciences et techniques de métier), considéré comme le « meilleur facetteur » nord-américain, qui se charge de la taille. Le travail est très artisanal malgré l’utilisation de logiciels de modélisation, demande beaucoup de temps.
La colorisation a également été extrêmement complexe. En ce qui concerne la couleur du Hope par exemple, la plus difficile à reproduire, 100 essais furent nécessaires et ce malgré l’utilisation des plus hautes technologies existantes ! « L’eau de Golconde » qui caractérise les diamants de Tavernier n’est pas facile à retranscrire, et se doit d’être « nette et vive »…
Pourquoi, s’il fallait encore vous convaincre, venir voir cette restitution ? Parce qu’aucune estampe, aucun texte ne sauraient témoigner ainsi de l’exceptionnelle beauté des 20 « plus beaux » diamants de Tavernier et de Louis XIV !
Détails pratiques:
Les plus chanceux auront pu admirer l’installation, accessible sur entrée libre, du 18 au 25 janvier. Elle est désormais accessible gratuitement pour les étudiants de l’école ou sur rendez-vous.
Un catalogue de 55 pages (très instructif et bien écrit, ça mérite d’être précisé), Le Fabuleux destin des diamants de Tavernier, Du Grand Moghol au Roi-Soleil, a été édité.
Contact:
L’École des Arts Joailliers, avec le soutien de Van Cleef & Arpels,
22, place Vendôme, 75001 Paris. Entrée par le 31, rue Danielle Casanova.
Téléphone : + 33 (0)1 70 70 36 00.
Mail : contact@lecolevancleefarpels.com.
* Cette estampe fait partie des sources et bases de travail qui ont permis de réaliser les reconstitutions. Elle a été digitalisée en 3D, puis une simulation photo-réaliste de celle-ci a permis de rendre compte des diamants réels.